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L’une des figures les plus connues de l’édition internationale, l’éditeur libanais Nasser Jarrous, écrit ses mémoires. Le libre sera publié en janvier, d’abord en langue arabe, puis en anglais, par sa propre société, Jarrous Press, basée à Tripoli. Ce sera pour lui l’opportunité de retranscrire ce qu’il a appris en plus de 40 années dans l’entreprise.

« J’écris ce livre pour mes enfants, pour leur montrer que la vie n’est pas facile, et que rien n’est figé » dit-il. « Je veux leur dire qu’il y a des difficultés et des embûches, mais qu’avec une volonté de fer, de l’amour et de la solidarité, on peut y arriver. Ne renoncez pas – apprenez de vos erreurs parce qu’elles font partie de votre chemin vers le succès. »

Durant de nombreuses années, Jarrous a agi comme une sorte d’ambassadeur culturel entre l’orient et l’occident, facilitant les relations d’affaires entre les éditeurs occidentaux et les pays arabes, faisant des présentations et rendant plus simple la participation des éditeurs occidentaux à des salons du livre de la région, en particulier dans les marchés les plus fermés, comme celui de l’Arabie Saoudite. C’est le rôle pour lequel il semble être né, avec sa bonhomie naturelle, ses compétences linguistiques (arabe, anglais et français) et son désir authentique de faire dialoguer les gens. Il aime rassembler les gens.

Néanmoins, ses mémoires ne se cachent pas de critiquer le secteur de l’édition arabe qu’il décrit comme « faible et ayant besoin de se moderniser, de se développer ». Il poursuit : « la majorité des éditeurs arabes sont entravés dans leur développement à cause d’un manque de moyens financiers, mais aussi à cause de faibles marchés, situation qui s’est empirée avec l’annulation de salons du livre et la fermeture de bibliothèques à cause du Covid-19. A l’exception des Emirats Arabes Unis – et en particulier de Sharjah – qui supportent les écrivains et les auteurs, les pays arabes sont absents dans le soutien au secteur de l’édition. Si la situation ne change pas, le secteur de l’édition n’a pas d’avenir, et de nombreuses maisons d’édition vont fermer. »

Il constate que les maisons d’édition arabes souffrent « de la crise du piratage et de la liberté d’expression qui limitent la créativité et le transfert facile de livres arabes entre les pays ». Il ajoute « L’écrasante majorité des maisons d’édition arabes ne se sont pas établies de manière professionnelle et scientifique, et plusieurs éditeurs manquent d’expérience et de connaissances sur comment appréhender les crises qui entravent l’industrie de l’édition. C’est pour cela que, durant mes relations avec les salons internationaux du livre, j’insistais pour qu’il y ait une session de formation pour les éditeurs arabes. »

« Les institutions culturelles internationales comme le British Council à Londres ou l’Institut Goethe en Allemagne, et bien d’autres, devraient redoubler d’efforts pour présenter les cultures et les mœurs de différents pays pour renforcer la coopération dans les domaines de l’édition. »

Initialement formé en tant qu’avocat, Jarrous a rejoint l’affaire de son père en 1978, une société de distribution de livres et de magazines, et a rapidement enrichi le portefeuille de la société avec la publication de livres. Il est devenu membre du Conseil d’Administration du Syndicat L’union des Editeurs au Liban en 1990 et en coopération avec le syndicat, a lancé le Salon International du Livre du Liban, et en a tenu la présidence durant 7 ans jusqu’en 2001.

C’est à travers ce rôle avec l’Union des Editeurs au Liban que s’est développée sa carrière internationale. En 2000, son action permet au monde arabe d’être invité d’honneur à Francfort, ce qui conduit à un accord formel avec les propriétaires d’expositions Reed en 2006, avec un accent particulier sur la mise en place de liens entre les éditeurs américains et le monde arabe pour le Salon du Livre de Londres et l’Expo Américaine du Livre, propriétés de Reed. Il se souvient : « J’ai développé les relations commerciales avec Francfort, Londres et les Etats-Unis d’Amérique. Ces relations ont ouvert la voie à l’entrée de l’industrie internationale de l’édition du livre dans notre monde arabe. En retour, les éditeurs arabes ont bénéficié de l’expérience internationale. C’était une période pleine de développements, de réalisations et de coopération fructueuse, que j’ai traité dans mon livre. »

Ces dernières semaines, il a été attristé par la décision de Reed d’annuler le BookExpo. Il s’inquiète du manque de soutien politique au commerce des livres aux Etats-Unis. « Je ne pense pas qu’il y ait, aux Etats-Unis, un intérêt gouvernemental à soutenir l’industrie de l’édition. Il devrait y avoir une association qui soutient les livres et les auteurs comme le British Council et l’Institut Goethe et qui se développent à travers le monde. Je pense que les Etats-Unis se sont renfermés sur eux-mêmes. »

Avec de nombreux autres du secteur de l’édition, il espère que la nouvelle administration du Président Biden considèrera l’industrie du livre de façon plus positive.

Ses mémoires lui ont donné l’opportunité de remercier les nombreux amis qu’il s’est fait dans le secteur. « Dans le livre, j’ai remercié ceux qui m’ont soutenu et dont j’ai tiré des connaissances. Je suis honoré et fier d’avoir des amis rencontrés dans cette entreprise au fil des années. N’arrêtez pas de donner et d’aider les autres – j’étais heureux quand je servais et que j’aidais les autres, ou quand je servais mon pays, mon environnement, et ma profession. Je ne détestais pas les personnes qui m’ont offensé – j’ai simplement changé de comportement avec elles. Pour moi, travailler était un plaisir et une passion… »

Ses filles Rania et Noor, et son fils Adib, aident aussi dans la société et sont devenus des visages familiers dans les salons internationaux de livre avant la pandémie. A juste titre, il garde ses derniers mots pour l’institution « famille ».

« La famille constitue la pierre angulaire, alors préservons-la. La famille représente le soutien et l’aide présents à nos côtés dans les circonstances les plus difficiles – et cela a été le cas cette année peut-être plus que n’importe quelle autre. »