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La culture chez Bloomsbury et les progrès dans l’industrie.

De Richard Charkin.

 En 1986, Liz Calder, éditrice emblématique ayant participé à la création du Groucho Club et du Orange Prize for Fiction, faisait partie des quatre fondateurs de Bloomsbury.

Bien que Liz soit partie lors de mon arrivée et que l’entreprise ait considérablement grandi, la politique culturelle qu’elle avait établie reste la même, et cela comprenait les rôles importants joués par les femmes, notamment Alexandra Pringle, qui fut une remarquable rédactrice en chef pendant 20 ans.

Lors de mon séjour parmi eux, les femmes représentaient probablement 70% des effectifs de l’ensemble de l’entreprise. C’était une constante chez Bloomsbury, mais aussi sur la façon dont la culture générale de l’édition a changé au fil des ans – selon la dernière enquête de Publishers Association, les femmes occupent désormais un peu plus de la moitié des postes de direction de l’industrie.

Malgré ces progrès pour les femmes dans l’édition, cela n’a pas toujours été simple. Prenons l’exemple de The Society of Bookmen, fondée dans les années 20 en tant que club gastronomique mensuel pour les professionnels de l’industrie du livre, réunissant éditeurs, libraires, imprimeurs, bibliothécaires et occasionnellement auteurs. Pendant longtemps, les dîners organisés au Savile Club de Mayfair, constituaient un élément important de la scène éditoriale londonienne – un lieu de socialisation et de commerce, permettant aux jeunes éditeurs de se former et de prendre contact. Ce n’est que tardivement, quarante ans plus tard, en 1972, que la Société a admis les femmes, que j’ai rejoint, en 1988, peu de temps après mes débuts chez Reed. Mais au 21e siècle, avec 40% de membres féminins, beaucoup estimaient que le nom « Bookmen » devenait de plus en plus problématique. Il y eut deux tentatives pour le changer, mais il fallait au moins deux tiers de votes positifs au scrutin et cela échoua. En désespoir de cause, le président de la Société a fait appel à une motion d’urgence lors d’un des diners mensuels et, lors d’un vote à main levée, il a été rebaptisé The Book Society. J’avais été à ce diner et j’avais évidemment voté pour le changement de nom, mais j’étais troublé par l’utilisation d’une motion d’urgence comme moyen de détourner un scrutin démocratique complet et j’ai présenté ma démission au comité de gestion. C’est alors, comme il allait de soi, que j’ai accepté d’en devenir le président ainsi qu’on me le suggérait et de travailler pour garantir le respect des règles de bonne gouvernance à l’avenir. Quelques années plus tard, un de nos membres a pointé du doigt le fait que l’accès au Savile Club, où nous dinions régulièrement, était réservé aux hommes seulement et que par conséquent le lieu était inapproprié. J’ai parlé avec le directeur du Club qui me le confirma et qui ne prévoyait pas de modification dans un avenir proche – leur seule femme s’étant inscrite en tant qu’homme avant de subir un changement de sexe ! Nous avons donc déménagé au Conduit, un club à Covent Garden. C’était une honte de devoir mettre fin à une si longue collaboration avec le Savile Club mais je croyais fermement que c’était la bonne marche à suivre.

C’était une petite mais symbolique marque du progrès dans le monde de l’édition. Nous ne devrions jamais être complaisants, mais quand je regarde les 50 dernières années, les progrès ont été étonnants et extrêmement positifs. Quand j’étais chez Pergamon, au milieu des années 70, il y avait encore un concours annuel « Miss Pergamon ». Dès août 1974, comme annoncé dans le journal du personnel « Pergamon Gazette », n’étant pas un concours typique de beauté, les juges « rechercheraient également d’autres qualités, telles que la personnalité, l’équilibre, la confiance et l’efficacité. » La gagnante recevait un week-end à Paris, une nouvelle garde-robe ainsi qu’« une banderole, une cape et une couronne estampillées » nécessaires pour accueillir les visiteurs VIP et assister aux événements officiels de l’entreprise. Pergamon, il ne faut pas l’oublier, était un éditeur d’ouvrages scientifiques basé à Oxford qui, à l’époque, était considéré comme l’une des maisons d’édition les plus avant-gardistes et les plus dynamiques du Royaume-Uni.

 

*Richard Charkin est un ancien président de l’IPA et de la UK PA et a été, pendant 11 ans, directeur exécutif de Bloomsbury Publishing Plc.

Source : Publishing Perspectives